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  • Publication publiée :26/03/2017
  • Temps de lecture :12 min de lecture
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Cuba en 10 proverbes

A Cuba, les proverbes, maximes et dictons ponctuent très souvent les discussions. Certains sont importés d’Europe, mais remaniés à la salsa cubaine, ils prennent une toute autre signification ! D’autres sont issus de la tradition orale africaine, ou tout simplement de la sagesse populaire qui s’est développée face aux aléas du quotidien d’une île encore soumise à ce jour à l’embargo américain.

On vous en propose ici un (tout) petit échantillon qui devrait vous permettre de mieux saisir la philosophie de vie des cubains et la mentalité locale…

Un zeste de fatalisme, une grande cuillerée d’humour et une louche de positivisme : suivez la recette cubaine !

Siempre que llueve escampa
(« Après chaque pluie revient le soleil »)

Si cette expression est utilisée en Europe, à Cuba, on en a véritablement fait un art de vivre ! Les Cubains ont appris à rire de leurs difficultés et à encaisser les coups durs avec flegme, sans perdre leur sourire et leur bonne humeur pour autant. En cas d’averse ou de mauvais temps, pourquoi vouloir lutter contre la pluie ou se plaindre d’être mouillé ? Il faut simplement attendre que l’orage passe son chemin et que des jours plus ensoleillés reviennent…

Dans le même état d’esprit, vous entendrez aussi régulièrement A mal tiempo buena cara (« À mauvais temps, bonne figure »). Une joie de vivre dont on pourrait s’inspirer davantage dans des pays où l’ambiance locale est plutôt au pessimisme généralisé. Allez, on vous livre un secret : quelques verres de rhum pourront vous aider dans cet apprentissage de la bonne humeur permanente :).

A un gustazo, un trancazo
(« Chaque grand plaisir est suivi d’un coup de matraque »)

C’est l’autre face du proverbe précédent. Cette maxime rappelle que les bonheurs de la vie sont rarement durables (donc il faut en profiter quand ils sont là), et qu’ils sont généralement suivis de nouveaux malheurs qu’il faut se tenir prêt à encaisser. Pas de quoi déprimer pour autant, les Cubains ont plutôt développé…un fatalisme heureux !

La vie à Cuba est pleine de rebondissements inattendus, vous aurez certainement l’occasion de vous en rendre compte sur place : même un voyage à Cuba comporte toujours sa dose d’imprévu ! Et les Cubains en ont tellement l’habitude qu’ils ont détourné un verbe, « inventar », pour désigner cet art de trouver des solutions aux problèmes du quotidien… et ils s’en servent toute la journée, en prenant rarement la peine de préciser la nature exacte de ce qu’ils sont en train d’inventer ! Vous entendrez aussi très régulièrement « resolviste ? », qui signifie « alors, tu as trouvé une solution ? ».

Dios aprieta pero no ahoga
(« Dieu serre fort mais n’étrangle jamais »)

Une synthèse, en quelque sorte, des deux précédents : on subit parfois les coups du sort, mais rien qu’on ne soit capable de surpasser !

Cuba ou le « Carpe Diem » permanent

No dejes para mañana lo que puedes hacer hoy
(« Ne remets pas à demain ce que tu peux faire aujourd’hui »)

Alors que cette maxime est franchement moralisatrice chez nous, à Cuba, le sens est tout autre : c’est une invitation à profiter des plaisirs de la vie au moment où ils se présentent ! Si vous avez la possibilité de sortir faire la fête aujourd’hui (quitte à laisser de côté des activités bien plus ennuyeuses), pourquoi la remettre au lendemain ? On ne sait jamais, si l’occasion tardait à se représenter ?!!

Cuba, c’est le « Carpe Diem » permanent : seul le présent compte. Le futur est bien trop incertain pour mériter d’être tenu en considération !

¡Pa’ trás, ni pa’ coger impulso!
(« Reculer? Pas même pour prendre de l’élan! »)

Quand au passé.. pourquoi s’en embarrasser ? Les épanchements nostalgiques sont totalement inutiles ! Cette phrase a été introduite par les Révolutionnaires (on l’attribue en général au Che ou à Fidel Castro), mais elle a pris avec le temps une signification beaucoup plus large, pour inviter chacun à ne pas ressasser ses souvenirs, et à aller de l’avant : Pa’lante !

L’art de la débrouille à Cuba

A falta de pan, casabe
(« Faute de pain, on mange des galettes de manioc »)

Équivalent tropical de notre « Faute de grives, on mange des merles », mais, Ô combien plus pertinent au quotidien dans le contexte cubain ! L’expérience des pénuries de toutes sortes a en effet habitué les habitants de l’île à se montrer très créatifs pour remplacer les produits manquants.. et à trouver à chaque produit de multiples fonctions.

Les Cubains savent en effet se montrer des plus inventifs en matière de recyclage !

En voici quelques exemples, en guise d’avant-goût :

Sacs poubelle costumes de danse  
Chauffe-eau en guise de balançoire
Préservatifs ballons

La solidarité cubaine en action

Donde comen dos comen tres
(« Quand il y en a pour deux, il y en a pour trois »)

Les Cubains ont l’habitude de partager ce qu’ils ont, même – et surtout – lorsqu’ils ont peu. Vous verrez d’ailleurs qu’en dehors des quartiers les plus touristiques, les mendiants sont très rares à Cuba.

Pendant la période spéciale (qui a suivi la chute du mur de Berlin en 1989), alors que la nourriture manquait dans bien des foyers, presque tous les habitants de l’île ont au moins une fois dans leur vie dépendu de la générosité d’un voisin ou d’un proche. Aujourd’hui, même les plus aisés s’en souviennent et savent rendre la pareille à ceux qui s’en sont moins bien sortis qu’eux…

¿Quién es tu mejor hermano? Tu vecino más cercano.
(« Qui est ton meilleur frère ? Ton plus proche voisin »)

Alors qu’on peut vivre 10 ans dans un immeuble parisien sans connaître son voisin de palier, c’est tout simplement inconcevable à Cuba ! Qu’on vive dans un appartement ou dans une maison, on papote tous les jours avec ses voisins, pour être tenu au courant de toutes leurs histoires (de toute façon, les murs sont plutôt fins et on parle fort!), pour apprendre le nouveau chisme (commérage) du quartier, ou encore pour être informé d’une éventuelle apparition d’un stock de beurre à l’échoppe du coin… Et même s’il y a parfois des chamailleries, si l’un d’eux a un vrai coup dur, on répond toujours immédiatement présent ! Cuba change mais reste une société très solidaire, à mille lieux de l’individualisme exacerbé dont souffrent souvent les pays occidentaux.

Âmes romantiques… s’abstenir !

Lo que no sirve se bota
(« Ce qui ne sert pas est à jeter »)

Pourquoi une telle maxime, si les Cubains sont justement les as du recyclage ?
En réalité, elle est généralement employée à Cuba en référence non pas à des objets matériels, mais aux relations de couple. Car à Cuba si votre partenaire « no sirve », n’est pas à la hauteur ou ne comble pas vos attentes, débarrassez-vous-en et passez au suivant! Car un clavo saca otro clavo (« un clou en fait sortir un autre »)…vous l’aurez compris, la vision cubaine de l’amour n’est pas toujours d’un romantisme exacerbé. Pour information, Cuba est le pays non-européen avec le taux de divorce le plus élevé au monde, et il arrive en huitième position à l’échelle mondiale !

Amor de lejos, felices los cuatro
(« Amour à distance, heureux tous les quatre »)

Si vous envisagez une relation à distance avec un(e) Cubain(e) rencontrée lors de vos vacances, vous voilà averti(e)…peu de Cubains placent la fidélité au cœur de leurs valeurs conjugales !

Bonus spécial Reggaeton

En bonus de ce florilège, voici quelques expressions tirées d’une tradition d’un autre type, certes un peu moins philosophique mais tout aussi populaire : les chansons de reggaeton ! À Cuba, la dernière chanson à la mode tourne en boucle partout, partout, partout, jusqu’à ce qu’une autre la détrône. À force d’être fredonnés, les refrains finissent souvent par trouver leur place dans le parler quotidien…

Aujourd’hui, l’expression la plus en vogue est tirée du tube de Jacob Forever, « hasta que se seque el malecón » (« jusqu’à ce que le malecón soit à sec », autrement dit, sans jamais s’arrêter). La formule est sans doute promise à un brillant avenir, il y a tant de choses à faire à Cuba « hasta que se seque el malecón » !