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  • Publication publiée :12/08/2015
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Moa, arrêt obligé si vous voyagez en taxi collectif entre Holguin et Baracoa

Moa, d’abord c’est une terre rouge qui salit tout. Il y fait très chaud l’été et l’air étouffant est pollué par la fabrique de Nickel. Presque tous les habitants y travaillent. Tous vivent dans des barres d’immeubles de quatre étages, entourés de verdure, tous ont un balcon, avec vue sur les voisins, tout le monde se connait dans les quartiers.

Moa d’abord c’est son centre ville, animé et poussiéreux, quelques places ombragées remplies de musiques s’échappant de hauts parleurs nasillards poussés au maximum, une grande feria le samedi qui réunit une foule immense dans les rues où les jours de fêtes on fait griller les cochons à même les trottoirs. On se déplace en charrettes tirées par un cheval, deux pesos cubains la course. Il est recommandé de se faire aider pour savoir quel cheval prendre pour aller où….

Féria du samedi 

Petit resto de fruits de mer

Je vis momentanément dans une famille. Le balcon a vue sur une rétention d’eau de mer, la couleur est rouge, mais plus au loin, derrière une petite île où passent les paquebots de croisière et les porte-conteneurs, l’eau reprend ses couleurs!

“La playa” de Moa

Devant la mer, au bout de la rue, un joli cimetière captive mon attention, on m’explique qu’il est conçu selon certains cimetières espagnols. D’abord le cercueil est mis en terre pour deux ans, ensuite les familles sont chargées de nettoyer les ossements qui seront placés dans une urne scellée, décorée! Souvent du balcon, j’assiste à cette cérémonie étonnante.

Au mois de Juin, le jour de la fête des pères, chaque famille, munie d’un seau d’eau et d’un balai s’emploie à nettoyer, embellir sa tombe ou une des urnes qui tapissent les murs d’enceinte.

Cimetière

Le soir même il y aura une réunion festive dans la rue avec musiques Reggaeton à fond s’échappant des balcons, le gâteau meringué aux couleurs layette ne manquera pas, le rhum et les bières locales non plus. Tout le monde dansera jusqu’à pas d’heure et ceux qui devront travailler le lendemain iront s’endormir plus tôt, bercés par les décibels et heureux d’avoir échappé un instant à la routine.

Tôt le lendemain, je suis tirée du lit par des bruits insolites. Dans une charrette je vois des sacs qui s’agitent, des groins qui dépassent avec des grognements de bêtes égorgées, quelques hommes sortent d’un air intéressé, l’un deux en achète un pour l’engraisser jusqu’à une grande occasion de le cuire à la broche.

Passe ensuite un vendeur portant de grandes tiges en bois qui servent aussi bien de tringles à rideau que de manches à balais. Un marchand ambulant de légumes annonce avec force coups de sifflets son arrivée, invitant ainsi les ménagères à descendre. Puis c’est au tour de l’aiguiseur de couteaux, agitant sa cloche et qui fait aussi ressemelage de chaussures, remplacement de vitres. Derrière lui et marchant d’un pas vif, un jeune homme sportif passe en criant qu’il achète de l’or, des restes de bijoux ou de dents….Un autre pousse une bicyclette et son cageot rempli de pain, toujours le même, recouvert d’un plastique quand il pleut. Enfin, après que chacun soit passé, ce qui dure toute la matinée, annoncé par des violents bruits de ferraille, arrive un vieux cheval tirant une carriole usagée et mené par une main de maître par l’éboueur local. Chacun au son du métal bien connu  descend avec ses poubelles qui s’entassent en un monticule énorme qui menace de s’écrouler à tout moment. La décharge est derrière le cimetière.

Enfin, l’odeur de l’ail qu’on fait revenir dans la graisse puis celui du riz qui cuit, le sifflement des cocottes minutes annoncent l’heure du repas dans chaque foyer. Le bruit de la rue s’éteint pour un moment laissant la place aux téléviseurs.

Les enfants se retrouvent ensuite dans la rue, sous la surveillance des familles réunies aux balcons, pour organiser une partie de pelote avec une balle quand il y en a, sinon s’en inventent une avec les moyens du bord, et des bâtons, pieds nus pour certains, les chaussures sont réservées pour l’école,  mais convaincus de participer a un vrai grand match.

Des fillettes se partagent un vieux vélo et se faufilent avec adresse entre les gosses, les poules, les chiens. D’autres ont trouvé quelques plastiques solides et de la ficelle pour confectionner des cerfs-volants, et les jeux dureront jusqu’à l’arrivée de la nuit, joyeux et insouciants.

Ainsi passe une journée très ordinaire à Moa, qu’un esprit d’entraide, une envie de profiter de la vie, une certaine idée du bonheur en famille,  une grande philosophie, transforment en une journée extra ordinaire.

Moa n’attire personne, ne compte qu’un hôtel très simple où vont souvent les familles visitantes et deux ou trois maisons de location toujours réservées pour les étrangers travaillant à la fabrique, mais son ambiance rétro, ses habitants accueillants et fraternels, ses couleurs ocre et rouge, ses très vieilles maisons coloniales hors d’âge dans son bourg valent peut-être la peine de s’y arrêter ne serait-ce que pour le dépaysement et les belles photos qu’un visiteur sensible ne manquera pas de faire.

Par Maryse de Nantes